Une Transat...
Ça fait bizarre d'être arrivé aussi loin, au Marin, en Martinique. Toute cette énorme préparation, de l'achat d'un nouveau bateau à celui de la dernière boite de conserve et des pièces de rechange, l'étude depuis si longtemps d'ouvrages nautiques , les techniques bien sur mais aussi et surtout les récits de voyage, ceux qui alimentent les rêves et font sauter le pas, tout cela pour en arriver là : me voilà aux Antilles dans une gigantesque marina qui n'a rien d'exotique.
Cela ne s'est pas fait tout seul. Il y a eu d'abord la « marche d'approche » de Dunkerque aux Canaries via les Açores. Cela a permis une mise en jambe et l'amélioration du bateau et de l'équipage. Mais les Canaries cela reste près de la maison. La Martinique c'est vraiment beaucoup plus loin...
Je suis revenu aux Canaries au début janvier pour avitailler « Gabrielle » et attendre Christian Noël qui avait décidé de m'accompagner. Venant du monde de la régate en Star et en Dragon, il changeait vraiment d'univers. Ne pouvant traverser seul, je n'ai rien fait ou dit qui pouvait le faire reculer. Il allait devoir s'adapter. Si j'étais moi en bonne forme, lui en revanche était fatigué ayant beaucoup travaillé à l'hôpital jusqu'à la dernière minute.
Après quelques péripéties que vous avez suivies ( Vendredi 13 !) on a enfin pu appareiller cap vers le nord ouest des iles du Cap Vert pour aller chercher les Alizés. Les fichiers météo étaient formels : on aurait un vent d'Est soutenu la première semaine. Le vent a été au rendez vous et nous a bien poussé. Cette semaine de descente vers le sud a permis de trouver notre rythme de vie et de régler les quarts, les horaires de repas, de trouver ses marques sur le bateau. On pensait avoir de plus en plus chaud mais pour le compte on a été déçus : pas question de quitter les cirés la nuit qui est demeurée très fraiche même au large de la Maurétanie. Y a plus de saison ma bonne Dame... Tous les jours à 18H françaises c'était le message spot. A 2OH appel à la maison par téléphone satellite. L'Iridium c'est vraiment quelque chose. Pouvoir téléphoner chez soi au milieu de nulle part a quelque chose d'irréel . Car le plus fort c'est que cela marche ! La balise spot a eu quelques ratés, mais l'Iridium lui, c'est du solide. Jamais de soucis. On a pu ainsi rassurer nos proches mais cela ne va pas sans inconvénient : cela aggrave, en tout cas pour moi, le mal du pays. On a rien sans rien.
C'est durant cette partie de la traversée que le vent a été le plus fort. Cela n'a pas été une gène au contraire : un bateau ne marche jamais aussi bien que quand il est puissant. C'est là aussi qu'on a eu nos premiers ennuis. Dans un gros grain de nuit qu'on a pas vu venir on a déchiré le point d'écoute de notre plus grand foc qui allait bien manquer ensuite . Premiers soucis aussi avec l'enrouleur dont le bout de commande a constamment eu tendance a surpater au vent arrière ( ça fait des nœuds et ça bloque tout ). L'enrouleur c'est complètement bloqué au soir tombant par un vent de 32 nœuds. Il a fallu deux bonnes heures pour s'en sortir au prix d'un total épuisement. Le reste de la nuit a été très calme et au petit matin il n'y paraissait plus. Ce test d'effort a confirmé que nous n'étions ni l'un ni l'autre coronariens...
Et nous sommes arrivés dans les Alysés. Je pensais que cela allait être le paradis. Ça n'a pas été l'enfer mais rien à voir avec ce que j'avais rêvé : marche rapide sans réglages du bateau, repos, lecture, bonne bouffe. Le vent a toujours été très instable en force et en direction obligeant à de très fréquentes manœuvres . La mer qui jusque là avait été très forte mais organisée est devenue plus chaotique avec plusieurs direction de vagues. Le vent étant moins soutenu et le bateau moins appuyé la progression a souvent été inconfortable mais il a fallu faire avec. On a même eu un journée de calme plat complet, non prévue par les fichiers météo. On s'est retrouvé comme sur un lac au milieu de l'Atlantique. On a fait un peu de moteur ce jour là et qui dit moteur dit douche chaude. Cela n'a l'air de rien, mais quel bonheur !
Les derniers mille milles plein vent arrière ont été les plus plus pénibles . On a tout essayé pour améliorer notre moyenne mais rien n'y a fait, il a fallu être patient. Cette allure a abimé la grand voile par ragage ( usure par frottement ). J'ai passé pas mal de temps à la couture . Toute mes réparations ont bien tenu et j'en suis très fier.
La pêche a bien marché. La plus grosse dorade faisait 88 cm. Deux gigantesques repas ! On en pouvait plus. Christian qui cuisine bien a fait des merveilles. Un vrai restaurant !
Nous avons vu la Martinique en fin d'après midi et nous sommes arrivés de nuit. Nous avons mouillé à Sainte Anne, au sud de l'ile juste avant le marin après 22 jours de mer. Ce mouillage est très calme . Plus rien ne bougeait à bord, c'était étrange.
24 heures avant d'arriver j'ai fait un test moteur et paf, repanne ! Le fuel du réservoir babord chargé à Ténérife était corrompu. Il a fallu tout purger ce qui est facile au port, moins en mer. Le deuxième réservoir a permis de remettre le moteur en route.
Après une nuit à Sainte Anne, nous sommes entrés au Marin et là, dès l'arrivée, il a fallu contacter un voilier, un motoriste pour réparer au plus vite. Tout devrait être fait dans les jours qui viennent.
Nous sommes arrivés dimanche et Christian qui a pris l'avion dès mardi soir n'a pas pu profiter de la Martinique. A l'heure ou j'écris il est déjà en France et va reprendre immédiatement le travail. Ça va être difficile pour lui les premiers jours !
On s'est très bien entendu à bord durant toute la traversée et il va me manquer. Je vais être seul jusqu'à la fin du mois et cela m'inquiète.
J'enverrai bientôt d'autres messages. Comme cela je me sentirai moins seul...